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Des améliorations modestes peuvent augmenter la sécurité des piétons

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11 avril 2024
La Presse Canadienne, 2024
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Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — Des modifications relativement simples peuvent augmenter le sentiment de sécurité des piétons à des intersections très achalandées, démontrent des travaux réalisés par une équipe de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) en collaboration avec Piétons Québec. 

Ces modifications se sont notamment traduites par une réduction de la moitié du nombre de ce que les chercheurs appellent les «interactions» entre les piétons et les automobiles, à savoir des incidents lors desquels moins de deux mètres séparaient véhicule et piéton sur la chaussée. 

Des données démontraient déjà que les collisions impliquant les piétons se produisent plus souvent à une intersection, et que la présence d'une rue majeure ― une artère ― à l'intersection augmente le risque d'une collision entre un véhicule et un piéton, a rappelé la professeure Marie-Soleil Cloutier, qui dirige le Laboratoire Piétons et Espace urbain à l'INRS.

Et pourtant, a-t-elle ajouté, «on avait comme hypothèse de départ qu'on faisait moins (d'interventions) à ces intersections». 

«On s'est demandé si c'était peut-être parce que c'était plus compliqué d'intervenir à une intersection où il y a de grosses rues», a précisé Mme Cloutier. 

Les intersections qui comportent des artères sont plus problématiques, explique un document de Piétons Québec, en raison du volume plus important de véhicules qui s’y trouvent, de leur vitesse plus élevée et de la configuration des voies de circulation, habituellement plus nombreuses et plus larges. 

L’analyse des bilans routiers au Québec entre 2015 et 2019 démontre d'ailleurs que 38 % des piétons décédés et 42 % des piétons blessés se trouvaient sur une artère. 

Mme Cloutier et ses collègues ont étudié sept intersections en collaboration avec Montréal, Longueuil, Laval et Gatineau. Toutes ces municipalités planchaient déjà sur des modifications aux intersections étudiées. 

Si certaines de ces intersections ont servi de témoin à des fins de comparaison, d'autres ont été le site d'interventions comme l'ajout d'un feu de piéton; l'élargissement du trottoir; l'ajout d'avancées de trottoir; l'ajout d'un refuge piéton (un terre-plein où s'arrêter quand on n'est pas en mesure de compléter la traversée); la suppression d'une voie de circulation, avec ajout de voies cyclables; et l'ajout d'un feu rectangulaire à clignotement rapide. 

«Ce qui est intéressant dans ce projet-là, c'est qu'on ne parle pas de réaménagements très coûteux ou très importants», a souligné Mme Cloutier. 

Observer ce qui se passe avant les collisions

Un total de 543 piétons, avec une proportion légèrement plus élevée de femmes, ont été interrogés dans le cadre de ce projet, aussi bien avant qu'après les interventions. 

Avant les interventions, on dénombrait moins de 50 % des piétons interrogés qui se sentaient en sécurité aux intersections d’artères majeures. 

Mais après ces interventions, les piétons interrogés ont rapporté s'être sentis moins pressés par le temps lors de la traversée; le nombre de piétons estimant que les conducteurs roulaient plus vite que la vitesse permise avait diminué; et le respect du feu par les piétons avait augmenté aux intersections comportant une rue artérielle. 

«Habituellement, les endroits où on a beaucoup d'interactions, ce sont les endroits où il y a aussi une plus grande possibilité qu'une collision implique un piéton, a rappelé Mme Cloutier. Donc, dans ce sens-là, on essaie dans le fond de prévenir les collisions en allant voir ce qui se passe avant les collisions.» 

Par exemple, au coin des rues Crémazie et d'Iberville à Montréal, le nombre d'interactions entre piétons et véhicules est passé de 20,5 % avant les interventions à 5,1 % après. Le pourcentage de piétons qui se sont sentis pressés par les véhicules a aussi légèrement fléchi, passant de 51,5 % à 45,5 %. 

En revanche, à cette même intersection, la proportion de piétons qui estimaient que les véhicules roulaient plus rapidement que la vitesse permise est passée de 60 % avant les interventions à 71,4 % après. 

Les améliorations les plus importantes ont toutefois été constatées à l'intersection entre une rue locale et une artère, plutôt qu'à l'intersection entre deux artères, vraisemblablement parce qu'il est plus facile de modifier une rue locale (par exemple, en retranchant une voie de circulation) qu'une artère. 

«Maintenant, on peut retourner vers les villes et leur dire, vous voyez, une suppression de voie, une interdiction du virage à droite sur le feu rouge, ça ne coûte pas si cher, a dit Mme Cloutier. L'idée du projet, au final, c'est d'avoir des exemples, des données, de ce qui fonctionne ou pas (pour améliorer la sécurité des piétons).» 

Améliorer le sentiment de sécurité des piétons, a-t-elle ajouté, améliorera aussi la propension des gens à marcher. 

«Si on attend le gros projet pour améliorer la situation à 100 %, a conclu Mme Cloutier, possiblement qu'on se prive de plus petites améliorations qui coûtent moins cher. Et si on fait de petites améliorations à chaque intersection, c'est tout le trajet qui va être plus sécuritaire.» 

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne