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L'ex-PM Jean Charest appelle la classe politique à promouvoir la civilité

durée 09h00
6 avril 2024
La Presse Canadienne, 2024
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Par La Presse Canadienne, 2024

QUÉBEC — L'ex-premier ministre du Québec Jean Charest s'inquiète de la montée de l'incivilité partout au pays.

Dans une lettre ouverte qu'il a co-signée avec d'anciens maires, sénateurs, artistes et gens d'affaires, il appelle la classe politique à poser des gestes concrets pour assainir le débat public.

La lettre, qui a été publiée cette semaine dans «The Globe and Mail», a fait énormément réagir sur les réseaux sociaux, relate M. Charest en entrevue téléphonique avec La Presse Canadienne.

«La réaction est très forte. Ça nous a étonnés. Moi, ça m'a beaucoup surpris, confie-t-il. Il y a des gens qui réagissent mal en voyant dans cet appel-là une espèce d'appel au silence, alors que ce n'est pas le cas du tout.»

Les signataires disent constater que les Canadiens tolèrent de moins en moins les points de vue divergents, et sont de plus en plus belliqueux, notamment lorsqu'il est question du conflit israélo-palestinien.

Ils évoquent une tendance «large et inquiétante», qui amène certaines personnes aux «idéologies stridentes» et sans «nuances» à agir de manière parfois «intimidante et violente».

«Nous vous demandons, à vous, les hauts dirigeants politiques, (...) de démontrer votre engagement commun à favoriser un Canada plus sûr, plus cohésif et plus respectueux, où la haine n'a pas sa place», ont-ils écrit.

Selon eux, la classe politique devrait constamment parler des «valeurs qui nous unissent», «lutter contre la haine», tout en protégeant le droit de chaque Canadien d'exprimer des points de vue «forts» ou «impopulaires».

Si rien n'est fait pour «s'attaquer de toute urgence à la montée de l'incivilité», le tissu social canadien sera «déchiré, peut-être irrémédiablement», préviennent les auteurs.

Bélisle, St-Pierre Plamondon et Joly

Pour Jean Charest, il ne fait aucun doute que les médias sociaux ont «libéré la parole» des gens. Il est particulièrement outré de voir ce qui se passe dans les municipalités du Québec.

En février dernier, la mairesse de Gatineau, France Bélisle, a jeté l'éponge, expliquant avoir été victime d'intimidation. D'ailleurs, quelque 800 élus municipaux ont démissionné depuis l'élection de 2021.

«(L'incivilité) affecte la capacité des élus de faire leur travail, à un point tel qu'il y a des personnes, comme la mairesse de Gatineau, qui lâchent prise», s'est désolé M. Charest.

«Il y a des femmes qui, malheureusement, vivent des situations plutôt pénibles quand les gens se permettent des remarques sur les médias sociaux qui sont franchement blessantes et qui visent à blesser.»

Il pense aussi au chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon, qui a récemment reçu des menaces de mort, et à la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, interpellée dans la rue au sujet des hostilités au Moyen-Orient.

Ce conflit enflamme d'ailleurs les passions sur les campus universitaires du Québec, selon M. Charest.

«Je parlais à un recteur d'université dernièrement. Ils sont aux aguets (...) pour qu'il y ait sur les campus un dialogue, mais c'est très difficile, parce qu'il y a beaucoup d'émotions, et ça, c'est une forte préoccupation», dit-il.

Jean Charest, qui a été premier ministre du Québec de 2003 à 2012, dit voir une «dérive», le niveau de tension ayant «beaucoup augmenté» depuis quelques années, «d'où l'appel aux élus d'en parler».

Il constate l'influence de la politique américaine. «On dit tant aux Québécois qu'à tous les autres Canadiens: "Ne laissez pas ce qui se passe aux États-Unis vous influencer sur votre façon de voir les choses".

«Nous voulons vivre dans une société où il y a une culture de tolérance, d'acceptation et de dialogue. (...) Notre démocratie est trop importante pour qu'on laisse passer ces choses-là sans rien dire», a-t-il conclu.

Caroline Plante, La Presse Canadienne