Des membres du Groupe consultatif pour la carboneutralité veulent des changements

Temps de lecture :
5 minutes
Par La Presse Canadienne, 2025
OTTAWA — Les quatre membres restants de l'organisme consultatif indépendant sur la carboneutralité du Canada demandent à Ottawa de revoir le fonctionnement du groupe. Deux d'entre eux estiment que d'autres démissions sont à prévoir si la situation ne s'améliore pas.
Deux des membres fondateurs de l'organisme ont démissionné cette semaine. Ils reprochent au gouvernement de ne pas consulter le groupe sur les changements de politiques clés qui ont modifié la trajectoire du Canada vers l'atteinte de ses objectifs climatiques de Paris.
Le Groupe consultatif pour la carboneutralité (GCPC) a été créé en 2021 en vertu de la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité. Cette loi oblige le ministre de l'Environnement du Canada à tenir compte de l'avis du GCPC lorsqu'il fixe les objectifs d'émissions ou modifie le plan de réduction des émissions.
Simon Donner et Catherine Abreu, qui ont démissionné cette semaine, ont déclaré que la façon dont le gouvernement fédéral collabore avec le groupe a changé.
Robert Hornung, membre du GCPC ainsi que président et chef de la direction de l'Association canadienne de l'énergie renouvelable, a affirmé que, même si le gouvernement respecte la lettre de la loi, les membres du GCPC s'attendent à avoir leur mot à dire sur l'incidence des changements de politique sur les objectifs climatiques du Canada.
«Le GCPC a été créé par voie législative pour servir d'organisme consultatif auprès du gouvernement fédéral en matière de changements climatiques, et nous n'avons pas vraiment eu l'occasion de le faire avec le gouvernement actuel», a indiqué M. Hornung, à La Presse Canadienne.
Il a précisé que son implication au sein du GCPC est conditionnelle au pourvoi des postes vacants et à l'obtention de fonds supplémentaires pour mener à bien ses recherches.
«Il est également important d'obtenir des assurances du gouvernement quant à sa volonté réelle de consulter nos avis et nos suggestions, a affirmé M. Hornung. À défaut, je devrai certainement réfléchir à ma participation future.»
Cinq départs depuis mars
Le groupe est passé de neuf à quatre membres depuis mars. Outre les deux démissions de cette semaine, la coprésidente Sarah Houde a démissionné plus tôt cette année et le mandat de deux autres membres est arrivé à échéance. Le GCPC est sans président depuis la démission de M. Donner mardi.
Karen Ross, directrice générale de Farmers for Climate Solutions, a déclaré à La Presse Canadienne qu'elle comptait demeurer au sein du GCPC, mais que sa participation était «conditionnelle à quelques changements importants».
«Actuellement, nous ne comptons que quatre membres, ce qui ne permettra pas au GCPC d'être fonctionnel sans une plus grande diversité de points de vue», a-t-elle soutenu, soulignant le manque de représentation des Autochtones au sein du groupe.
Elle a également indiqué souhaiter davantage de précisions sur la façon dont le secrétariat de l'organisme consultatif, une branche d'Environnement et Changement climatique Canada, collabore avec le GCPC sur divers dossiers.
«La seule directive donnée (au secrétariat) est d'appuyer le GCPC dans la production de son rapport annuel, a expliqué Mme Ross. Il s'agit du seul travail effectué pour le GCPC au cours des six derniers mois, depuis la période électorale.»
Selon le répertoire des employés du gouvernement fédéral, le secrétariat compte huit employés répartis dans quatre villes et trois fuseaux horaires.
Dans sa lettre de démission, Mme Abreu a déclaré que le gouvernement n'avait pas consulté le GCPC avant la signature, la semaine dernière, d'un protocole d'entente avec l'Alberta concernant un projet de pipeline, ni avant l'adoption du projet de loi C-5, qui autorise le gouvernement à exempter des projets de certaines lois environnementales.
Mme Ross a affirmé que le GCPC aurait dû être consulté avant que le gouvernement ne prenne ces décisions.
«Ces changements récents nous empêcheront d'atteindre l'objectif de 2030 et modifieront donc considérablement les plans en place et les perspectives de progrès», a-t-elle fait valoir.
«Je conviens que l'absence de consultation du GCPC… est contraire à l'esprit de la loi et à l'importance de disposer de conseils d'experts indépendants sur les décisions climatiques clés qui auront une incidence si importante sur la réalisation des objectifs.»
Le Canada doit déposer une mise à jour de son plan de réduction des émissions avant la fin de l'année, comme l'exige la loi. Le rapport doit comprendre une évaluation des objectifs de 2030.
Le Canada s'est engagé à réduire ses émissions d'au moins 40 % par rapport aux niveaux de 2005 d'ici 2030. Le dernier rapport d'étape du gouvernement, publié en 2023, comprenait une section entière soumise par l'organisme consultatif.
À moins d'un mois de la date limite de dépôt du rapport d'étape, le gouvernement n'a toujours pas consulté l'organisme consultatif.
Plus de membres sont nécessaires
Michael Bernstein, membre du GCPC, a dit qu'il n'avait pas l'intention de démissionner, mais qu'il souhaitait que l'organisme consultatif gagne en indépendance, à l'instar des comités similaires au Royaume-Uni et dans d'autres pays.
«Dans l'idéal, le GCPC disposerait d'un budget qu'il contrôlerait lui-même et son personnel serait recruté par ses conseillers, plutôt que par un secrétariat gouvernemental», a déclaré M. Bernstein, président et chef de la direction de Clean Prosperity.
M. Bernstein a ajouté qu'il n'était pas inquiet du niveau de collaboration entre Ottawa et le GCPC et qu'il était déterminé à appuyer l'orientation du gouvernement en matière de politique climatique. Il a qualifié l'orientation du gouvernement Carney d'«approche judicieuse, fondée sur la tarification et l'équilibrage du carbone».
«Je crois que cette nouvelle approche représente un tournant potentiel dans notre transition vers la décarbonation, a-t-il soutenu. Pour moi, cette nouvelle approche constitue donc un pas en avant.»
Dans un échange de courriels avec La Presse Canadienne, Damon Matthews a affirmé que la situation était «chaotique» depuis son arrivée au GCPC en mars, soulignant l'effondrement du nombre de membres du groupe, sans que le gouvernement ne semble s'en apercevoir ni s'en préoccuper.
La Presse Canadienne a demandé au cabinet de la ministre de l'Environnement, Julie Dabrusin, pourquoi le gouvernement n'avait pas pourvu les trois postes vacants avant les démissions de cette semaine.
«Nous n'avons reçu aucune directive ni demande de conseils depuis les élections, si ce n'est l'autorisation de produire notre rapport annuel, comme l'exige la loi. Il nous a fallu quatre mois après les élections pour obtenir l'autorisation officielle de reprendre nos travaux», a rapporté M. Matthews, professeur de géographie, d'aménagement et d'environnement à l'Université Concordia.
«De toute évidence, des changements s'imposent. Nous ne sommes plus que quatre (sans coprésidents) et cela ne suffit pas pour faire quoi que ce soit de significatif. J'étais le seul nouveau membre nommé après un processus de candidature et d'entrevues d'un an.»
M. Matthews a dit ne pas savoir pourquoi aucun candidat n'a encore été nommé.
«Davantage de membres et une nouvelle direction constituent désormais une priorité absolue», a-t-il affirmé.
Nick Murray, La Presse Canadienne