Nous joindre
X
Rechercher
Publicité

Ingérence: le Bloc réclame que le «rapporteur» soit nommé par consensus entre partis

durée 13h04
7 mars 2023
La Presse Canadienne, 2023
durée

Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2023

OTTAWA — Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, souhaite que le «rapporteur spécial et indépendant» qui sera chargé de se pencher sur les allégations d'ingérence étrangère soit nommé avec l'accord des leaders de tous les partis ou de la Chambre des communes et que celui-ci soit enclin à opter pour l'enquête publique.

«Je suis d'accord, à la condition que le mandat soit d'emblée que l'enquête soit publique et qu'il soit désigné par le Parlement, sinon on n’est pas d'accord avec ça», a dit mardi M. Blanchet lors d'un point de presse.

Selon lui, le premier ministre Justin Trudeau tente d'éviter la tenue de l'enquête publique réclamée à l'unisson dans les rangs de l'opposition à Ottawa.

M. Trudeau a annoncé lundi qu'il laissera le soin à un «éminent Canadien» qui sera bientôt nommé de déterminer quelle est la meilleure étape pour la suite des choses. Il s'est engagé à consulter les autres partis que le sien pour choisir la bonne personne, mais il n'a pas précisé si la candidature serait soumise à un vote des députés, par exemple.

Or, M. Blanchet craint que le premier ministre consulte les oppositions «de façon factice comme il l'a fait dans le passé», puisqu’ultimement c'est lui qui aura le dernier mot. «Je pourrais vous demander si je devrais mettre une cravate bleue ou rouge ce matin, vous pourriez me suggérer une rouge et je mettrais peut-être une bleue quand même», a illustré le chef bloquiste.

«Ne sabordez pas la crédibilité de votre propre rapporteur en le désignant vous-même de façon privée et fermée dans votre cabinet. Soumettez le choix aux élus du Parlement», a-t-il imploré.

Camoufler la vérité?

Un peu plus tôt, le chef conservateur, Pierre Poilievre, est allé encore plus loin et a balayé du revers de la main la pertinence d'un rapporteur spécial. Selon lui, il s'agit d'une tactique des libéraux pour camoufler une affaire d'ingérence.

«Que fait Justin Trudeau? Exactement le contraire. Il veut un processus qui est secret et contrôlé. Secret et contrôlé. Secret parce qu'il veut que ce soit dans les comités qui entendent (des) preuves secrètes, des témoignages secrets et des résultats secrets. Contrôlé parce que c'est son bureau qui est en charge de déterminer ce qui peut être dans tous les rapports de ce comité», a-t-il dit mardi lors d’un point de presse. 

M. Poilievre a dit ne pas avoir confiance que le rapporteur spécial que nommera le premier ministre sera indépendant. 

«On sait tous que ce sera quelqu'un lié à lui, lié aux libéraux, choisi pour protéger l'establishment libéral, tout comme l'ancien dirigeant de la Fondation Trudeau qui recevait de l'argent provenant de Pékin qu'il a nommé pour superviser le rapport sur l'ingérence chinoise», a-t-il dit. 

Le chef conservateur a estimé que «la seule enquête vigoureuse» que souhaite le premier ministre vise à «cibler (…) les dénonciateurs courageux qui ont publié ces secrets». 

Les libéraux font face à une pression grandissante pour déclencher une commission d'enquête visant à éclaircir les questions soulevées par des allégations de tentatives d'ingérence chinoise au cours des deux dernières élections fédérales, en 2019 et 2021.

Les appels en ce sens ont été exprimés par les partis d'opposition, mais ceux-ci sont aussi venus d'ailleurs. D’anciens conseillers du premier ministre, comme Gerald Butts, ont dit au «Globe and Mail» que cela était nécessaire. Un ancien directeur général des élections a fait de même. 

Morris Rosenberg, cet ancien haut fonctionnaire qui a produit un rapport d'évaluation sur le protocole conçu pour informer les Canadiens en cas de menaces à l'élection fédérale de 2021, a aussi déclaré sur les ondes de CTV que l'option d'une commission d'enquête devrait selon lui être sur la table.

«Facile politiquement»

Lundi, M. Trudeau a soutenu qu'il aurait été «facile politiquement» de simplement acquiescer aux demandes pour une enquête publique et indépendante, mais qu'il préférait prendre «quelques semaines» pour que le «rapporteur» détermine la meilleure façon de «rassurer les Canadiens».

Il a évoqué le fait que des informations sensibles qui ont trait à la sécurité nationale sont en cause et pourraient devoir demeurer secrètes. «Je sais très bien que si j’avais annoncé une enquête publique (...) dès qu’on arriverait à un moment où je dois dire ‘’Ah non, mais on ne peut pas vous donner ces documents-ci et ces documents-là’’, l’indépendance de ce processus, (son) efficacité ainsi que (son) impact auraient été minés», a fait valoir le premier ministre auprès des journalistes.

Des experts entendus devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre ont soulevé la même problématique et affirmé qu'une enquête publique et indépendante se heurterait aux mêmes limites que l'étude parlementaire actuelle.

Une série de reportages du réseau Global et du quotidien «The Globe and Mail» publiés au cours des dernières semaines ont détaillé des tentatives d'ingérence orchestrées par la Chine au cours des deux dernières campagnes électorales fédérales.

Ces allégations, évoquées dans des fuites anonymes aux médias provenant de sources dans des agences canadiennes de sécurité, portent à croire que Pékin voulait s'assurer de la réélection des libéraux de Justin Trudeau - à la tête d'un gouvernement minoritaire - aux dépens des conservateurs. Les reportages rapportent que, pour ce faire, des consulats ont été pressés de mobiliser des membres de la communauté sinocanadienne.

Michel Saba et Émilie Bergeron, La Presse Canadienne