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La GRC critiquée sur son traitement des femmes autochtones itinérantes dans le Nord

durée 08h06
11 avril 2024
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

OTTAWA — Les femmes autochtones itinérantes dans le Nord ne se sentent pas bien protégées par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et sont plutôt confrontées à la violence et à la discrimination de la part de la police, selon un nouveau rapport de la Yellowknife Women's Society.

L'organisation a tenu deux séances avec des femmes en octobre dernier, et chacune des participantes a déclaré qu'elle avait été victime de violence de la part d'un agent de la GRC ou qu'elle connaissait une personne autochtone qui avait été victime de violence.

«Plus d'une fois, des femmes de nos cercles ont raconté avoir été malmenées par la police et s'être fait dire explicitement: "Je peux faire ce que je veux de toi, personne ne te croira"», indique le rapport.

Certaines femmes qui avaient demandé l'aide de la GRC relatent que la police s'est concentrée sur les «mauvaises choses», en leur posant des questions agressives, en prenant du temps pour des questions administratives malgré l'urgence et même en arrêtant des femmes qui avaient demandé de l'aide.

En général, les femmes qui ont participé à la recherche estiment que leurs préoccupations n'étaient pas prises aussi au sérieux que celles des personnes non autochtones.

«Vous savez, ils (les policiers) sont là quand vous n'avez pas besoin d'eux. Et quand vous avez besoin d'eux, ils ne sont nulle part», a témoigné une participante.

Renee Sanderson, directrice générale de la Yellowknife Women's Society, a mentionné que ces expériences, ainsi qu'une large méfiance à l'égard de la GRC, ont des conséquences concrètes.

«De nombreuses femmes autochtones sans logement ne demandent pas l'aide de la police, car elles craignent d'être ignorées, malmenées ou pire encore», a-t-elle affirmé.

«À qui peuvent-elles faire appel si elles ne se sentent pas en sécurité avec les personnes censées les protéger?»

Le rapport formule 24 recommandations pour améliorer ces relations et la sécurité de celles que la police nationale est responsable de protéger.

Mme Sanderson, qui travaillait auparavant pour la GRC, a déclaré dans le rapport que les choses qu'elle a vues et les interactions dont elle a été témoin alors qu'elle était employée dans la GRC étaient «déchirantes».

«J'ai vite réalisé que vous aviez deux choix: soit vous faites partie de ce groupe soudé et détournez le regard lorsque des injustices se produisent, soit vous en parlez et êtes ostracisé», a-t-elle écrit.

Une force «laissée à elle-même»

Le rapport décrit la GRC comme une force «laissée à la police elle-même» en raison des pratiques actuelles et du manque de ressources pour la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes.

«Presque tous les cas individuels d'inconduite d'agents sont renvoyés à la GRC pour enquête interne.»

Entre 2018 et 2023, il y a eu 63 allégations de recours inapproprié à la force par la division intervenant à Yellowknife, indique le rapport.

Toutes se sont révélées non fondées.

«Les femmes autochtones de nos cercles de partage ont été claires: malgré les centaines, voire les milliers de recommandations de tous les niveaux de gouvernement du pays, la relation entre les femmes autochtones sans logement de Yellowknife et la GRC ne fonctionne pas.»

Des racines colonialistes

La prédécesseure du corps policier, la Police à cheval du Nord-Ouest, était l'une des premières vagues de non-Autochtones à arriver dans la région en 1873, avec pour mandat d'imposer «la loi et l'ordre» et d'affirmer la souveraineté canadienne. Elle a été fusionnée avec la GRC en 1920.

Beaucoup considèrent encore la police comme l'exécuteur du colonialisme, selon l'organisation de femmes.

Cette conclusion fait écho à celle de la Commission de vérité et réconciliation, qui a souligné que pour de nombreux enfants autochtones, leur premier contact avec le système judiciaire a eu lieu lorsqu'un agent de la GRC les a emmenés dans un pensionnat.

Les participantes à la recherche ont déclaré que de nombreux agents de la GRC dans leurs communautés font preuve d'un manque de compréhension des peuples autochtones, de leurs cultures ou de leur histoire avec le corps policier.

Les peuples autochtones représentent environ 90 % de la population sans abri de la ville, bien qu'ils représentent environ un quart de la population de Yellowknife.

De ce groupe, plus de 60 % avaient au moins un parent ayant fréquenté un pensionnat, et plus d'un tiers ont indiqué avoir vécu dans une famille d'accueil ou dans des foyers de groupe pendant leur jeunesse.

Des changements exigés

De meilleurs services sociaux seraient très utiles, selon le rapport.

La société recommande d'augmenter le nombre de places d'hébergement et la capacité des équipes mobiles d'intervention en cas de crise afin de contribuer à limiter les interactions entre la police et les femmes autochtones sans abri.

«Malgré l'un des taux de consommation de substances et de dépendances les plus élevés au Canada, il n'existe aucun établissement résidentiel de traitement de la santé mentale et de la toxicomanie dans les Territoires du Nord-Ouest», souligne le rapport.

Le rapport appelle également la GRC à entreprendre une meilleure formation, d'avoir plus d'ambition en matière d'intégration communautaire et de réaliser un examen complet des services de police sur le territoire afin d'identifier les besoins locaux et de remédier à la sous-protection et à l'intervention policière excessive auprès des femmes autochtones et d'autres groupes vulnérables.

«Ce n'est pas le premier rapport appelant à un changement au sein de la GRC», soutient le document.

«L'incapacité du gouvernement du Canada et des dirigeants nationaux de la GRC à mettre en œuvre ces recommandations est l'une des causes de la rupture des relations entre la GRC et les femmes autochtones sans logement.»

Alessia Passafiume, La Presse Canadienne