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Le Canada invité à garder les animaux génétiquement modifiés hors de la nature

durée 08h57
12 mars 2023
La Presse Canadienne, 2023
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Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2023

OTTAWA — Un groupe national sur la biodiversité affirme que le Canada doit garder les animaux génétiquement modifiés hors de la nature, après que le gouvernement fédéral eut récemment rejeté plusieurs tentatives de renforcer ses lois existantes.

Aucun incident en lien avec cette technologie n'a été rapporté au Canada, mais le conseiller principal de Nature Canada, Mark Butler, croit qu'il faut empêcher les animaux sauvages d’être exposés à «des cousins artificiels» qui pourraient se reproduire avec eux ou leur faire concurrence pour se nourrir.

«Il est temps d’agir», selon lui.

Le gouvernement fédéral est en train de mettre à jour la Loi canadienne sur la protection de l’environnement pour la première fois en 22 ans. La loi, communément appelée LCPE, régit la gestion des produits chimiques toxiques et des nouveaux organismes génétiquement modifiés ou modifiés.

Un projet de loi est presque entièrement axé sur les produits chimiques toxiques. Le Sénat a tenté de modifier le projet de loi afin d’y inclure des consultations publiques obligatoires sur les organismes génétiquement modifiés et de veiller à ce que le risque pour les animaux sauvages soit pris en compte dans toutes les situations.

Le gouvernement a retiré presque tous les amendements du Sénat en février.

Cette semaine, le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, pourrait décider d’approuver ou non l'utilisation de drosophile génétiquement modifiée. 

L’EntoEngine, qui s'apparente à une mouche à fruits, créé par l’entreprise Edmonton Future Fields, a été conçue pour être un bioréacteur naturel et cultiver des protéines cellulaires qui peuvent être utilisées pour fabriquer des vaccins, des médicaments ou des produits de viande cultivés en laboratoire.

Nature Canada a demandé au gouvernement de suspendre ce processus — et tous les examens semblables — jusqu’à ce que le processus de consultation soit amélioré.

L'entreprise Future Fields a présenté sa demande en novembre. La consultation publique a duré 30 jours, se terminant le 28 janvier, et comprenait 17 mémoires. Une décision doit être rendue le 17 mars, mais le ministre Guilbeault pourrait la reporter jusqu’à quatre mois.

Jalene Anderson-Baron, cofondatrice de Future Fields, a affirmé dans une déclaration écrite en réponse aux questions de La Presse Canadienne, que le processus établit un équilibre entre la nécessité d’identifier les risques potentiels et la nécessité de permettre de nouvelles innovations.

«Nous pensons que la biotechnologie a le potentiel d’avoir d’immenses bénéfices positifs pour les gens et la planète, et les nouvelles innovations en biologie synthétique seront un outil clé dans notre lutte contre le changement climatique, a-t-elle déclaré. Cela dit, nous appuyons sans réserve l’évaluation rigoureuse de Santé Canada et Environnement Canada afin d’assurer la sécurité des Canadiens et de l’environnement.»

Pour Mark Butler, l’EntoEngine était basée sur deux paragraphes d’information qui incluent une allégation que le produit «ne pose aucun risque connu pour les humains ou les animaux», sans aucune preuve scientifique à l’appui.

C’est au public de produire des preuves qu’il y a un risque, sans avoir accès aux données de l’entreprise, dans les 30 jours.

La consultation se tient également sur une base volontaire.

«Imaginez s’il y avait une proposition de route ou de pipeline et qu’il y avait deux paragraphes pour une évaluation environnementale, et c’est entièrement volontaire, et c’est au promoteur de décider», a dit M. Butler.

Selon lui, le Brésil a déjà vu les risques posés par la modification génétique. L’année dernière, il est devenu le premier pays à découvrir l’élevage de poissons génétiquement modifiés dans la nature.

Il fait référence à la marque déposée GloFish, des poissons-zèbres dotés de gènes de méduses fluorescentes pour les faire briller dans le noir. On a d’abord pensé qu’ils étaient stériles, jusqu’à ce que GloFish se multiplie rapidement dans les ruisseaux de la forêt atlantique du Brésil, où ils n’ont pas de prédateurs naturels.

Le Canada a autorisé 17 versions de GloFish au moyen d’un processus de consultation publique volontaire relativement nouveau. 

Le risque pour les espèces sauvages ici est faible, parce que la nature tropicale du poisson ne correspond pas aux hivers canadiens, mais M. Butler croit que la question du Brésil devrait être un signal d’alarme. 

«Le génie génétique est un sujet très complexe, a-t-il dit. Nous n’essayons pas de l’arrêter. Nous essayons de devancer cette technologie et de mettre en place des règlements et des mesures de protection pour protéger la nature, parce que la nature est sur les cordes et n’a pas besoin d’un nouveau risque ou d’une nouvelle menace.»

Le processus d’examen volontaire utilisé pour l’EntoEngine et GloFish a commencé en 2018, un an après que le Comité de l’environnement de la Chambre ait formulé 87 recommandations pour mettre à jour la LCPE.

Aucune des recommandations portant sur le génie génétique n’a été incluse dans la mise à jour législative proposée par le gouvernement.

Dans une déclaration écrite, le bureau de M. Guilbeault a indiqué qu’il prévoyait répondre aux préoccupations à une date ultérieure. Il a lancé une nouvelle série de consultations sur la question à l’automne, qui éclaireront toute modification future de la loi.

La porte-parole du NPD en matière d’environnement, Laurel Collins, a dit que c’était vraiment décevant.

«Nous avons très peu confiance dans les commentaires du gouvernement selon lesquels nous serons en mesure de procéder à une deuxième série de modifications à la LCPE, étant donné que cela fait 22 ans que la dernière a eu lieu», a-t-elle dit.

Des «graves lacunes»

Dans le mémoire qu’elle a présenté au Sénat en juin, l’Assemblée des Premières Nations (APN) a déclaré que le processus d’évaluation des animaux génétiquement modifiés comporte de «graves lacunes».

Le document souligne que les Premières Nations n’étaient pas tenues informées ni invitées à participer à l’évaluation. L’APN a déclaré que lorsque le Canada a approuvé le saumon AquaAdvantage génétiquement modifié en 2018, «la décision a été prise en fonction de considérations étroites sans consultation avec les Premières Nations».

En décembre, la Fédération du saumon atlantique a dit au Comité de l’environnement que le processus d’examen n’était ni accessible ni transparent.

La consultation a duré 29 jours et a été lancée avec peu de préavis. La fédération a déclaré que la décision ne tenait pas compte des risques pour le saumon sauvage si le saumon modifié s’échappait ou était relâché accidentellement.

Jusqu’à présent, l’entreprise a fait preuve de diligence pour contenir le poisson, mais la fédération a lancé un avertissement: «nous ne sommes qu’à une petite erreur de la situation potentiellement désastreuse pour le saumon sauvage de l’Atlantique».

Ce saumon ne sera plus élevé au Canada. La société qui s'en occupait a indiqué le mois dernier qu’elle changeait d’installation de production à l’Île-du-Prince-Édouard pour produire des œufs de saumon non génétiquement modifiés, qui sont plus recherchés..

Mia Rabson, La Presse Canadienne