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Le CRTC examine les exigences de contenu canadien dans les services en continu

durée 04h00
18 septembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Par La Presse Canadienne, 2025

OTTAWA — Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) entame jeudi des audiences afin d'examiner les obligations en matière de contenu canadien qui devraient s'appliquer aux services de diffusion de musique en continu, comme Spotify.

Les services de diffusion en continu soutiennent que leurs efforts actuels pour promouvoir la culture canadienne, ainsi que les redevances qu'ils versent, sont suffisants. Les radiodiffuseurs, quant à eux, affirment que leur secteur est en net déclin et souhaitent que le CRTC assouplisse la réglementation à l'égard des acteurs traditionnels.

Les deux parties présenteront leurs arguments lors de cinq jours d'audiences, qui se tiendront à Gatineau d'ici le 29 septembre.

Ces audiences s'inscrivent dans le cadre d'une série de procédures du CRTC visant à mettre en œuvre la Loi sur la diffusion continue en ligne, qui a mis à jour les lois sur la radiodiffusion afin d'englober les plateformes en ligne.

Le gouvernement fédéral subit de fortes pressions de la part des États-Unis pour qu'il abroge cette loi. Certaines entreprises de diffusion en continu ont contesté devant les tribunaux une décision antérieure les obligeant à contribuer financièrement aux nouvelles et au contenu canadiens.

En 2024, le CRTC a ordonné aux grands diffuseurs étrangers de verser 5 % de leurs revenus canadiens annuels à des fonds consacrés à la production de contenu canadien, notamment aux nouvelles télévisées locales. Ces paiements sont maintenant suspendus en attendant que la Cour d'appel fédérale statue sur l'affaire.

La réglementation du CRTC stipule qu'au moins 35 % des sélections musicales populaires diffusées par les stations de radio commerciales doivent être d’origine canadienne. Le CRTC ne souhaite pas étendre cette norme aux services de diffusion musicale en continu.

Dans son avis de consultation concernant les audiences qui s’amorcent jeudi, le CRTC a déclaré que «des contributions similaires aux exigences de contenu pour les sélections musicales canadiennes ne conviendraient pas à la plupart des entreprises en ligne, y compris les services de diffusion en continu sur demande».

Il a également indiqué que, selon son avis préliminaire, ces diffuseurs devraient «contribuer à la découvrabilité de la musique canadienne, francophone et autochtone, soit par des contributions financières, soit par des initiatives visant à promouvoir et à faire connaître ces chansons à leurs utilisateurs».

Dans un mémoire déposé avant le début des audiences, la Digital Media Association, un groupe de l'industrie de la diffusion en continu, a déclaré que les services de diffusion musicale en continu «ont créé une valeur considérable pour l'industrie canadienne de la musique et ses artistes après des années de déclin et de pertes liées au piratage».

Les diffuseurs de musique en continu versent environ 70 % de leurs revenus aux titulaires de droits musicaux sous forme de redevances, a-t-il précisé. «Les services de diffusion en continu versent 8,5 fois plus de revenus directement aux titulaires de droits musicaux que le secteur de la radio commerciale et versent globalement plus, même en tenant compte des contributions totales de la radio commerciale au développement du contenu canadien», a ajouté l’association dans son mémoire.

La Digital Media Association a reconnu que les redevances ne comptaient pas comme des contributions avant la Loi sur la diffusion continue en ligne, mais elle a souligné que «le niveau beaucoup plus élevé de redevances versées par les services de diffusion en continu à l'industrie musicale a joué un rôle central dans la transition réussie des deux parties du système du piratage vers une gestion payante».

Elle a fait savoir qu'il était «impératif» que le CRTC n'impose aucun quota ni obligation de contenu aux diffuseurs en continu.

Dans son propre mémoire, Spotify a déclaré au CRTC que les services de musique «apportent déjà une contribution financière démesurée au secteur canadien de la musique» et que, par conséquent, «il serait inapproprié de leur imposer des fardeaux financiers ou réglementaires supplémentaires».

De son côté, Apple croit que, compte tenu des mesures prises par les services de diffusion musicale en continu «pour rendre le contenu canadien et autochtone accessible et découvrable, ainsi que pour le promouvoir», il serait inutile et contre-productif de mettre en place de nouvelles réglementations.

Amazon a averti que toute intervention réglementaire ignorant les efforts existants pour promouvoir les artistes canadiens et autochtones serait «inéquitable» et «pourrait inciter les services de diffusion en continu à réduire leurs investissements déjà importants pour compenser les coûts de toute nouvelle exigence».

Les radiodiffuseurs, quant à eux, ont soutenu dans leur mémoire que, si le CRTC n'impose pas de réglementation sur le contenu aux services de diffusion en continu, il devrait reconsidérer son application aux acteurs traditionnels.

La radio en déclin

L'Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR) a brossé le portrait d'un secteur confronté à des «déclins massifs».

«Il est incontestable que l'industrie de la radio est en déclin, en grande partie en raison de l'essor des plateformes étrangères et de leur perturbation des auditoires et, par conséquent, des revenus publicitaires», a-t-elle déclaré. Elle a noté que la part de marché publicitaire de la radio privée est passée de 13 % il y a dix ans à 5,5 % aujourd’hui.

L’ACR estime que la situation actuelle est «intenable». Elle a qualifié d'irréalistes «les niveaux de diffusion de musique canadienne, les évaluations de performance excessives, la possibilité d'exigences de dépenses accrues et la perspective d'obligations supplémentaires».

L'Association canadienne des radiodiffuseurs juge qu'une exigence de 10 % de contenu canadien serait un niveau plus «naturel», mais suggère que le CRTC l'abaisse à 25 %.

Les radiodiffuseurs «peinent à comprendre comment le CRTC peut proposer l'absence totale d'obligations de contenu pour la part croissante du secteur audio alors que les stations de radio canadiennes en déclin sont confrontées à la perspective de quotas encore plus restrictifs quant à la musique qu'elles peuvent diffuser», a déclaré l'ACR au CRTC.

Rogers a affirmé que le CRTC semble reconnaître qu'une «réglementation désuète et normative» nuirait aux modèles d'affaires et de programmation des diffuseurs en ligne étrangers, mais qu'il «semble ignorer l'impact négatif de cette réglementation sur les radiodiffuseurs traditionnels du Canada».

Bell a souligné dans son mémoire que, même si les services de diffusion musicale en continu ont été des acteurs marginaux lors de leur lancement il y a plus de 10 ans, ils ont connu une croissance rapide et représentaient 46 % de l'écoute hebdomadaire des adultes canadiens en 2023, la radio chutant à 54 %.

Corus soutient que l'organisme de réglementation «sous-estime sérieusement l'ampleur des difficultés auxquelles sont confrontés les exploitants commerciaux», qui sont confrontés, à son avis, à une «crise existentielle».

Anja Karadeglija, La Presse Canadienne