Les partis politiques canadiens se disputent le soutien des travailleurs


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Par La Presse Canadienne, 2025
OTTAWA — Il y a un an, dans son message de la fête du Travail, Jagmeet Singh, alors chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), insistait sur le fait que son parti serait le seul à appuyer les travailleurs canadiens et les syndicats qui œuvrent pour la protection de leurs droits.
Six mois plus tard, il se tenait devant une usine d’un constructeur automobile à Windsor, en Ontario, pendant la campagne électorale fédérale, espérant offrir du soutien et du réconfort aux travailleurs sous le choc de l'annonce des nouveaux droits de douane imposés par le président américain Donald Trump.
Mais M. Singh n'a pas été accueilli chaleureusement. La plupart l'ont ignoré, passant devant lui la tête basse à la sortie de leur quart de travail, tandis que d'autres ont indiqué avoir une préférence pour le chef conservateur Pierre Poilievre.
C'était un signe précoce que l'emprise du NPD sur les électeurs syndiqués se relâchait.
Et effectivement, lorsque les votes ont été dépouillés le soir de l'élection, les nouvelles pour le NPD étaient sombres. Le parti a été complètement exclu de l'Ontario, y compris dans plusieurs circonscriptions à forte présence syndicale, comme Hamilton et Windsor.
C'était la preuve irréfutable que le paysage politique canadien avait changé. Alors que les syndicats et les travailleurs constituaient autrefois un soutien sûr pour le NPD, le parti ne peut plus compter sur eux.
Le sénateur Hassan Yussuff, ancien président du Congrès du travail du Canada, affirme que les partis politiques reconnaissent plus que jamais le pouvoir exercé par les quelque quatre millions de travailleurs syndiqués au pays.
«Le mouvement syndical joue un rôle important dans la structure du pays et les partis politiques devront être beaucoup plus attentifs à certaines des questions qui préoccupent les travailleurs», a-t-il déclaré.
M. Yussuff a indiqué que les libéraux et les conservateurs ont réorienté leurs politiques vers le mouvement syndical au cours de la dernière décennie et que de nombreux membres du NPD reconnaissent que le parti a perdu le contact avec ses origines.
Le chef par intérim du NPD, Don Davies, a déclaré que le parti reconnaissait la nécessité de revenir à ses racines et de renouer avec les travailleurs. Il a rappelé que le parti a été fondé en 1961 dans le but de faire entendre la voix des travailleurs sur la scène fédérale.
Bien que le NPD ait reçu plusieurs appuis de grandes organisations syndicales, ces appuis n'ont pas toujours été partagés par les membres, et les conservateurs ont conquis de nombreux électeurs syndiqués dans les villes manufacturières à forte concentration de travailleurs.
Selon M. Yussuff, les syndicats ne sont pas monolithiques et l'idée selon laquelle le mouvement syndical est entièrement néo-démocrate est «clairement fausse». Il a ajouté qu'environ 25 % des travailleurs ont toujours voté conservateur.
Amanda Galbraith, stratège conservatrice et associée chez Oyster Group, a déclaré que le premier ministre de l'Ontario, Doug Ford, offre un excellent exemple de politicien de droite qui séduit les électeurs de la classe ouvrière, et qu'au niveau fédéral, Erin O'Toole a mené la charge lorsqu'il était chef du parti.
«Nous nous tenions probablement tous les deux pour acquis»
Bien que les conservateurs aient toujours été connus comme le parti des «grandes entreprises», elle a affirmé qu'ils devaient se défaire de cette image afin d'accroître leur bassin d'électeurs.
Steven High, professeur d'histoire à l'Université Concordia et auteur d'un livre récent sur le gouvernement néo-démocrate de Bob Rae en Ontario, a déclaré que le paysage politique au Canada et ailleurs subit un «changement fondamental» avec la montée du populisme de droite.
Il a souligné que les sondages de sortie des urnes lors des récentes élections au Canada, aux États-Unis et en Allemagne montrent tous que les électeurs sans diplôme d'études supérieures se tournent vers la droite.
Notant que les conservateurs ont réussi à remporter des sièges dans les villes productrices d'automobiles et les villes sidérurgiques, M. High croit que le renversement électoral de la classe ouvrière canadienne aurait été encore plus spectaculaire si la guerre tarifaire de Donald Trump n'avait pas «bouleversé les plans des conservateurs».
Il a indiqué que les partis populistes de droite perçoivent une «opportunité générationnelle» et ont ajusté leur message et atténué leur rhétorique antisyndicale.
«L'affaiblissement de l'emprise du NPD sur le mouvement syndical signifie que le mouvement syndical est courtisé par les autres partis comme jamais auparavant. Dans quelle mesure ce rapprochement va au-delà du symbole et influence les politiques des conservateurs et des libéraux reste à déterminer», a affirmé M. High.
Charlie Angus, un député néo-démocrate de longue date qui ne s'est pas présenté aux dernières élections, a déclaré que les résultats ont été un signal d'alarme pour le NPD et le mouvement syndical.
Il a indiqué que le lien entre le mouvement syndical et le NPD a été remis en question et que les organisateurs du parti sont moins à leur écoute, car ils se concentrent sur les données et ils proviennent désormais rarement des assemblées syndicales.
«Nous nous tenions probablement tous les deux pour acquis», a reconnu M. Angus, soulignant que le NPD avait été fondé pour offrir une représentation politique aux travailleurs. «Je pense que nous nous sommes éloignés de cette mission», a-t-il avoué.
Catherine Morrison, La Presse Canadienne