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L’aide d’urgence aux banques alimentaires est déjà épuisée, préviennent-elles

durée 14h35
15 mars 2023
La Presse Canadienne, 2023
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Temps de lecture   :  

3 minutes

Par La Presse Canadienne, 2023

MONTRÉAL — La pression est forte sur le garde-manger des banques alimentaires, qui n’ont jamais eu autant de bouches à nourrir. Sans un coup de pouce supplémentaire de Québec, elles craignent d’avoir à faire des choix difficiles dès le mois d’avril. 

La flambée de l’inflation des aliments exerce une double pression sur les opérations des banques alimentaires. Les denrées alimentaires qu’elles distribuent coûtent plus cher au moment même où plus de ménages ont besoin d’aide. 

Avant la pandémie, près de 500 000 personnes fréquentaient une banque alimentaire du Québec chaque mois. En 2022, ce chiffre a bondi à 671 000, selon le dernier Bilan-Faim qui se base sur une collecte de données faites en mars 2022. 

Le directeur général de Les Banques alimentaires, Martin Munger, s’attend à ce que l’achalandage soit encore plus élevé cette année tandis que l’association prépare l’édition 2023 du rapport. «On n’a pas encore les données, mais ce que nous disent les membres sur le terrain, c’est que ça n’a cessé d’augmenter depuis, explique-t-il. Il y a plus de gens qui fréquentent les Moissons. Il y a de nouveaux visages qui viennent chaque semaine.»

Le gouvernement Legault a déjà octroyé une aide ponctuelle de 6 millions $ en décembre dernier. Une nouvelle aide sera nécessaire, car cette somme n’a permis que de se rendre jusqu’à la fin mars, affirme M. Munger. «On est en train de distribuer les derniers envois et déjà les Moissons commencent à manquer de stocks. Il commence à avoir des trous, moins de diversité. Ils ont de la difficulté à fournir à la demande, déjà à l'heure actuelle.»

Une assiette pleine de défis

La situation des ménages les plus vulnérables est «épouvantable» tandis que l’achalandage à Moisson Québec a doublé depuis la pandémie, constate sa directrice générale, Élaine Côté. «Je peux vous dire que l’année 2023 sera la plus difficile que nous aurons vécu en 35 ans d’existence. Les besoins sont immenses. C’est démesuré par rapport aux outils qu’on a.»

Sans aide gouvernementale, Moisson Québec ne pourra pas répondre à l’entièreté de la demande d’ici quelques semaines, prévient Mme Côté. «Il va falloir arrêter des services, assurément. On n'aura pas le choix. On ne peut pas répondre à 70 000 personnes différentes par mois avec les moyens financiers qu'on a.»

L’inflation alimentaire a aussi des répercussions sur les donateurs, constate la directrice générale de Moisson Kamouraska, Mireille Lizotte. «Ce n'est pas qu'ils ne sont pas généreux, mais les gens, ils font ce qu'ils peuvent. (...) Ça (l'inflation) touche vraiment la classe moyenne.»

Les épiciers, qui sont d’importants donateurs, gèrent aussi de manière plus serrée leurs stocks dans un contexte d’augmentation des prix et de perturbation de la chaîne d’approvisionnement. 

Cette gestion rigoureuse fait en sorte que moins de denrées sont récupérées par Moisson Kamouraska. «De plus en plus d'épiciers vont contrôler leur inventaire, donc on en récupère moins, constate Mme Lizotte. On récupère moins de viande. Quand les légumes arrivent chez nous, ils sont vraiment en fin de vie.» L’organisme doit donc faire davantage d’achats pour diversifier son offre, ajoute-t-elle.

Besoin d’argent

Une aide sera nécessaire pour aider les banques alimentaires à payer la note. Mme Côté aimerait que le gouvernement adopte une aide à plus long terme pour leur permettre de mieux planifier leurs activités. L'aide d'urgence de décembre était la bienvenue, mais elle «engendre un stress» énorme, car les organismes ne savent pas ce qui adviendra par la suite. 

À l’approche du budget provincial qui sera dévoilé le 21 mars prochain, Les Banques alimentaires du Québec demandent une aide ponctuelle de 24 millions $ pour les soutenir dans ce contexte exceptionnel. L’association plaide aussi pour que le financement récurrent de l’organisme soit bonifié de 5 millions $. 

Elle réclame également un financement annuel de 5 millions $ pour les quatre prochaines années afin d’investir dans leurs infrastructures.

Les montants réclamés demeurent modestes en comparaison aux près de 2 milliards $ que coûteront les baisses d’impôt promises par le gouvernement Legault. «On pense que si le gouvernement peut trouver deux milliards pour les baisses d'impôt, il devrait être capable de trouver 24 millions $ pour faire en sorte que les gens puissent se nourrir.»

Stéphane Rolland, La Presse Canadienne