Un de ces cardinaux pourrait bien devenir le prochain pape


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Par La Presse Canadienne, 2024
Recherché: Un saint homme.
Description du poste: Diriger l’Église catholique, forte de 1,4 milliard de fidèles.
Emplacement: Cité du Vatican.
Il n’existe pas de candidats officiels à la papauté, mais certains cardinaux sont considérés comme «papable», c’est-à-dire qu'ils sont plus susceptibles que d'autres de devenir pape. Depuis que saint Jean-Paul II a mis fin à l’emprise plus que centenaire de l’Italie sur la papauté en 1978, le champ des prétendants s’est considérablement élargi.
Lorsque les cardinaux entreront dans la chapelle Sixtine le 7 mai pour choisir un successeur au pape François, premier pontife d’Amérique latine, ils rechercheront avant tout un saint homme capable de guider l’Église catholique. Au-delà de cela, ils évalueront son expérience administrative et pastorale, en plus de réfléchir aux besoins actuels de l’Église.
Voici une sélection de candidats potentiels, sans ordre particulier.
Cardinal Pietro Parolin
Date de naissance: 17 janvier 1955
Nationalité: Italien
Poste: Secrétaire d’État du Vatican sous François
Expérience: Diplomate chevronné du Vatican
Fait cardinal par: François
Ce diplomate chevronné de 70 ans était secrétaire d’État de François.
Bien qu’étroitement associé au pontificat de François, Parolin est beaucoup plus réservé et diplomate dans son approche au leadership que le jésuite argentin qu’il a servi – et il sait où l’Église catholique pourrait avoir besoin d’un changement de cap.
Parolin a supervisé l’accord controversé du Saint-Siège avec la Chine concernant les nominations d’évêques et a été impliqué – sans être inculpé – dans l’investissement raté du Vatican dans une opération immobilière londonienne, qui a conduit au procès d’un autre cardinal et de neuf autres personnes en 2021. Ancien ambassadeur au Venezuela, Parolin connaît bien l’Église latino-américaine et a joué un rôle clé dans la détente entre les États-Unis et Cuba en 2014, facilitée par le Vatican.
S'il était élu, il ramènerait l'Italie à la papauté après trois étrangers successifs: saint Jean-Paul II (Pologne), le pape Benoît XVI (Allemagne) et François (Argentine).
Mais Parolin a très peu d'expérience pastorale: il est entré au séminaire à 14 ans, quatre ans après la mort de son père dans un accident de voiture. Après son ordination en 1980, il a été curé pendant deux ans près de sa ville natale, dans le nord de l'Italie, avant de se rendre à Rome pour étudier et intégrer le service diplomatique du Vatican, où il est resté depuis. Il a servi dans les ambassades du Vatican au Nigeria, au Mexique et au Venezuela.
Il est largement reconnu pour son sens diplomatique sur certains des dossiers les plus épineux auxquels l'Église catholique est confrontée. Il est impliqué depuis longtemps dans le dossier chinois et a joué un rôle actif dans le rapprochement diplomatique du Saint-Siège avec le Vietnam, qui a abouti à un accord pour l'établissement d'un représentant résident du Vatican dans le pays.
Parolin a également été l'interlocuteur privilégié du Vatican dans ses efforts avortés pour mettre fin aux guerres en Ukraine et au Moyen-Orient. Il a tenté de faire entendre la voix de l'Église alors que l'administration Trump s'employait à mettre fin à la guerre menée par la Russie en Ukraine.
«Espérons que nous parviendrons à une paix qui, pour être solide et durable, doit être juste, impliquer tous les acteurs concernés et tenir compte des principes du droit international et des déclarations de l'ONU», a-t-il soutenu.
Parolin pourrait trouver la réalité géopolitique imposée par l'administration Trump quelque peu insensible au pouvoir d'influence du Saint-Siège.
— Par Nicole Winfield au Vatican
Cardinal Luis Antonio Tagle
Date de naissance: 21 juin 1957
Nationalité: Philippin
Post: Pro-préfet, Dicastère pour l'Évangélisation sous François
Expérience: Ancien archevêque de Manille, Philippines
Fait cardinal par: Benoît XVI
Tagle, 67 ans, figure sur la liste de nombreux preneurs de paris pour devenir le premier pape asiatique; un choix qui reconnaîtrait une région du monde où l'Église est en pleine croissance.
François a fait venir à Rome le populaire archevêque de Manille pour diriger le bureau d'évangélisation missionnaire du Vatican, qui répond aux besoins de l'Église catholique dans une grande partie de l'Asie et de l'Afrique. Son rôle a pris de l'ampleur lorsque François a réformé la bureaucratie vaticane. Tagle cite souvent ses origines chinoises: sa grand-mère maternelle appartenait à une famille chinoise installée aux Philippines.
Bien qu'il possède une expérience pastorale, vaticane et managériale (il a dirigé la fédération d'associations caritatives Caritas Internationalis du Vatican avant de s'installer définitivement à Rome), Tagle serait plutôt jeune pour être élu pape, les cardinaux préférant peut-être un candidat plus âgé dont le pontificat serait plus limité.
Tagle est connu pour être un bon communicateur et pédagogue, des qualités essentielles pour un pape.
«Le pape devra beaucoup enseigner, nous devrons constamment faire face aux caméras; un pape communicateur serait donc très souhaitable», a déclaré Leo Ocampo, professeur de théologie à l'Université Santo Tomas de Manille. Cela dit, le mandat de Tagle à la tête de Caritas n'a pas été exempt de controverses, certains remettant en question ses compétences en gestion.
En 2022, François a limogé la direction de Caritas, rétrogradant notamment Tagle. Le Saint-Siège a déclaré qu'une enquête externe avait révélé de «réelles lacunes» dans la gestion, affectant le moral du personnel du secrétariat de Caritas à Rome.
— Par Jim Gomez à Manille, Philippines, et Nicole Winfield au Vatican
Cardinal Fridolin Ambongo Besungu
Date de naissance: 24 janvier 1960
Nationalité: Congolais
Poste: Archevêque de Kinshasa, Congo
Expérience: Président des conférences épiscopales d'Afrique et de Madagascar
Fait cardinal par: François
Ambongo, 65 ans, est l'un des dirigeants catholiques les plus reconnus d'Afrique et siège à la tête de l'archidiocèse qui compte le plus grand nombre de catholiques du continent, souvent considéré comme la région d'avenir de l'Église.
Il est archevêque de la capitale du Congo depuis 2018 et cardinal depuis 2019. François l'a également nommé membre d'un groupe de conseillers chargé de réorganiser la bureaucratie vaticane.
Au Congo et dans toute l'Afrique, Ambongo s'est montré profondément attaché à l'orthodoxie catholique et est perçu comme conservateur.
En 2024, il a signé une déclaration au nom des conférences épiscopales d'Afrique et de Madagascar refusant de suivre la déclaration de François qui autorise les prêtres à offrir des bénédictions aux membres de couples de même sexe, ce qui équivalait à une dissidence continentale à un enseignement papal. Cette réprimande a cristallisé à la fois la position de l'Église africaine sur les questions LGBTQ+ et la stature d'Ambongo au sein de la hiérarchie du continent.
Il a été salué par certains au Congo pour sa promotion de la tolérance interconfessionnelle, en particulier sur un continent où les divisions religieuses entre chrétiens et musulmans sont fréquentes. «Il est pour l'ouverture de l'Église aux différentes cultures», a déclaré Mgr Donatien Nshole, secrétaire général de la Conférence épiscopale nationale du Congo, qui a longtemps collaboré avec Ambongo.
Très critique du gouvernement, le cardinal est également connu pour son engagement indéfectible en faveur de la justice sociale.
Dans un pays où la pauvreté et la faim sont élevées malgré sa richesse en minerais, et où les combats menés par des groupes rebelles ont fait des milliers de morts et déplacé des millions de personnes lors de l'une des plus grandes crises humanitaires au monde, il critique fréquemment la corruption et l'inaction du gouvernement, ainsi que l'exploitation des ressources naturelles du pays par des puissances étrangères.
«Le Congo est l'assiette de tout le monde, sauf de notre peuple», a-t-il déclaré l'année dernière lors d'un discours à l'Université pontificale Antonianum.
Les critiques d'Ambongo à l'égard des autorités ont suscité l'admiration du public et un examen judiciaire approfondi. L'année dernière, le parquet a ordonné une enquête judiciaire à son encontre après l'avoir accusé de «comportement séditieux» pour ses critiques de la gestion du conflit dans l'est du Congo par le gouvernement.
— Par Mark Banchereau à Dakar, Sénégal
Cardinal Matteo Zuppi
Date de naissance: 11 octobre 1955
Nationalité: Italien
Poste actuel: Archevêque de Bologne, Italie, président de la Conférence épiscopale italienne
Poste précédent: Évêque auxiliaire de Rome
Fait cardinal par: François
Zuppi, 69 ans, a une image de prêtre de rue, tout comme François, qui l’a rapidement promu: d’abord comme archevêque du riche archidiocèse de Bologne, dans le nord de l’Italie, en 2015, avant de lui conférer le titre de cardinal en 2019.
Il est étroitement lié à la Communauté de Sant’Egidio, une organisation caritative catholique basée à Rome qui a exercé une influence sous François, notamment dans le dialogue interreligieux. Zuppi faisait partie de l’équipe de Sant’Egidio qui a contribué aux négociations pour la fin de la guerre civile au Mozambique dans les années 1990 et a été nommé envoyé de François pour la paix lors de la guerre menée par la Russie en Ukraine.
Il s'est rendu à Kyiv et à Moscou après que le président ukrainien Volodymyr Zelensky ait lancé un appel au Saint-Siège pour obtenir l'aide nécessaire à la libération de 19 000 enfants ukrainiens arrachés à leurs familles et emmenés en Russie pendant la guerre. Cette mission l'a également conduit en Chine et aux États-Unis.
Après l'avoir nommé cardinal, François a clairement indiqué qu'il souhaitait le voir à la tête des évêques italiens, signe de son admiration pour ce prélat qui, comme François, est connu comme un «prêtre de rue» – quelqu'un qui accorde la priorité au ministère auprès des personnes pauvres, sans-abri et des réfugiés.
Zuppi s'inscrirait dans la tradition de François, qui s'occupait des personnes en marge de la société, même si sa relative jeunesse peut jouer contre lui pour les cardinaux qui briguent un pontificat de courte durée.
À tendance très progressiste, Zuppi a écrit l'introduction de l'édition italienne de «Bâtir un point»; livre du jésuite américain James Martin sur la nécessité pour l'Église d'améliorer son action auprès de la communauté LGBTQ+.
Zuppi a écrit que faire le pont avec la communauté était un «processus difficile, encore en cours». Il a reconnu que «ne rien faire, en revanche, risque de provoquer beaucoup de souffrance, donne aux gens un sentiment de solitude et conduit souvent à l'adoption de positions à la fois contrastées et extrêmes». La famille de Zuppi entretient également des liens institutionnels forts: son père travaillait pour le journal du Vatican L’Osservatore Romano, et sa mère était la nièce du cardinal Carlo Confalonieri, doyen du Collège des cardinaux dans les années 1960 et 1970.
— Par Colleen Barry, Vatican
Cardinal Péter Erdő
Date de naissance: 25 juin 1952
Nationalité: Hongrois
Poste: Archevêque d’Esztergom-Budapest, Hongrie
Expérience: Élu deux fois à la tête du groupe des conférences épiscopales européennes
Fait cardinal par: Jean-Paul II
Connu par ses pairs comme un théologien, un érudit et un éducateur sérieux, Erdő, 72 ans, est un candidat de premier plan parmi les conservateurs. Il est archevêque d’Esztergom-Budapest depuis 2002 et a été fait cardinal par Jean-Paul II l’année suivante. Il a participé à deux conclaves; en 2005 et 2013 pour la sélection de Benoît XVI et de François.
Titulaire d'un doctorat en théologie et en droit canonique, Erdő parle six langues, est un partisan de l'orthodoxie doctrinale et défend les positions de l'Église sur des questions telles que l'avortement et le mariage homosexuel.
Erdő s'oppose aux unions homosexuelles et a également résisté à l'idée que les catholiques remariés après un divorce puissent recevoir la communion. Il a déclaré en 2015 que les catholiques divorcés ne devraient être autorisés à communier que s'ils restent abstinents sexuellement dans leur nouveau mariage.
Partisan des structures familiales traditionnelles, il a contribué à l'organisation des rencontres du pape François sur la famille au Vatican en 2014 et 2015.
De 2006 à 2016, Erdő a présidé le Conseil des Conférences épiscopales d'Europe, contribuant à favoriser la collaboration entre les évêques catholiques d'Europe et à aborder les questions contemporaines auxquelles l'Église est confrontée sur le continent.
Tout en veillant à éviter de prendre part à la vie politique hongroise, souvent tumultueuse, Erdő a maintenu une relation étroite avec le gouvernement populiste de droite du pays, qui accorde de généreuses subventions aux églises chrétiennes.
Il s'est montré réticent à prendre position sur plusieurs politiques gouvernementales qui ont divisé la société hongroise, telle que les campagnes publiques diabolisant les migrants et les réfugiés et les lois érodant les droits des communautés LGBTQ+.
Lorsque des centaines de milliers de demandeurs d'asile sont arrivés en Europe en 2015, fuyant la guerre et les privations au Moyen-Orient et en Afrique, Erdő a souligné que l'Église avait le devoir chrétien d'apporter une aide humanitaire aux personnes dans le besoin, mais il est resté en deçà de la défense résolue des migrants, qui était l'une des principales priorités du pape François.
— Par Justin Spike à Budapest, Hongrie
The Associated Press