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Ont-elles été muselées?

Pandémie: l'opposition n'a pas pu jouer son rôle, conclut une étude

durée 10h00
17 avril 2023
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Par La Presse Canadienne

Une étude universitaire conclut que les partis d'opposition au Québec n'ont pas pu jouer pleinement leur rôle durant la pandémie, particulièrement la première vague en 2020.

Cela fait écho à des critiques entendues durant la crise de la COVID-19, lorsque des citoyens et des militants reprochaient dans les réseaux sociaux aux partis d'opposition de ne pas avoir attaqué plus durement le gouvernement sur sa gestion de la pandémie à ses débuts.

Il s'agirait d'une des premières études qui, après analyse de centaines d'interventions, démontrent avec des données quantitatives et qualitatives que l'opposition a dû changer de stratégie.

Les chercheurs en arrivent à la conclusion que la capacité des partis d'opposition de surveiller l'action du gouvernement a été «clairement sapée».

Autant le Parti libéral (PLQ) que Québec solidaire (QS) et le Parti québécois (PQ) ont donc renoncé aux critiques et attaques personnelles et opté pour la formulation de propositions, indique l'article en anglais paru dans la revue scientifique «Journal of Legislative Studies».

Ils ont fait jusqu'à presque sept fois plus d'interventions avec des propositions que d'interventions critiques, par rapport au niveau d'avant la pandémie. 

Ce glissement d'un antagonisme de confrontation à une démarche de proposition a été «assez spectaculaire», opinent les auteurs. 

Au cours d'entrevues réalisées par les chercheurs, des élus de ces formations ont confié que les électeurs n'acceptaient pas les reproches qu'ils adressaient au gouvernement et qu'ils ont donc dû changer de ton. 

«Nous devons apprendre à tempérer ce que nous disons, mais aussi la portée de ce que nous disons (...), toutes les questions peuvent être posées, mais il y a une façon de le faire et un ton à privilégier», a reconnu un des parlementaires de l'opposition interviewés par les chercheurs. Tous les élus ont été interrogés sous le couvert de l'anonymat.

En entrevue avec La Presse Canadienne, une des auteures de l'étude, Jeanne Milot-Poulin, a confirmé que le travail des élus de l'opposition a été beaucoup plus compliqué durant la pandémie, selon les témoignages recueillis. 

«Ils étaient conscients de ce risque. Les gens préféraient voir la classe politique unie pendant cette crise que divisée avec des chicanes. Ils n'ont pas oublié leur rôle de contre-pouvoir, mais ils ont joué d'une façon différente d'une façon plus consciente, de façon à ne pas directement attaquer cet élan de solidarité là qu'il y avait autour de François Legault.»

Ont-elles été muselées?

«Je n'irais pas jusqu'à dire en fonction de notre article que les oppositions ont été muselées, mais c'est sûr que le travail a été beaucoup compliqué par la pandémie», a-t-elle nuancé.

«En situation de crise, au Québec — et particulièrement au Québec —, nous avons tendance à nous rallier en société, donc à être solidaires de notre premier ministre», a dit un élu en entrevue avec les chercheurs. 

«La première vague a vraiment été un état de grâce au Québec — tout le monde uni», a commenté un parlementaire. 

Même les citoyens normalement plus portés à appuyer un des partis d'opposition devenaient plus attentifs au message du gouvernement et donc moins réceptifs à l'opposition, peut-on lire.

Dans la première vague de la pandémie, les universitaires ont observé «un changement clair» dans les stratégies de communication des oppositions, lit-on. Les élus de l'opposition ont eu tendance à opter en général pour une «démarche de proposition» plutôt qu'une «critique frontale» de l'action du gouvernement. 

Ainsi, pendant la pandémie, il y a eu une hausse presque sept fois plus importante dans le ratio d'interventions misant sur des propositions par rapport au nombre d'interventions critiques.

Mme Milot-Poulin évoque un effet de ralliement, comme en période de crise internationale, de guerre, mais cette fois en temps de pandémie.

«La population va souvent avoir un réflexe de solidarité envers l'exécutif, envers le gouvernement. Dans un tel contexte, un parti d'opposition doit faire un peu plus attention de (ne) pas critiquer trop directement le gouvernement parce que ça pourrait se retourner contre lui, par rapport au réflexe de solidarité des citoyens.»

Un des élus a admis que le rôle de l'opposition était ingrat: blâmée pour avoir critiqué le gouvernement, ou encore blâmée pour ne pas l'avoir suffisamment critiqué.

Et la marge de manœuvre se révélait même encore plus limitée dans cette crise particulière, en raison de la virulence du discours complotiste. Car il ne fallait pas non plus que les critiques soulevées soient associées aux «critiques conspirationnistes», relève un autre parlementaire interrogé. 

«La stratégie de communication du gouvernement était nécessaire, c'était à nous de s'ajuster, reconnaît un élu. Il fallait comprendre que nous étions en période de crise et que les gens avaient besoin d'être rassurés.» 

Les chercheurs concluent que «la capacité des partis d'opposition de surveiller l'action du gouvernement et de contribuer au processus politique a été clairement sapée par la soudaine intolérance envers les critiques durant la première partie de la pandémie et par la centralisation accrue de la prise de décision».

Attaques personnelles

Par ailleurs, les universitaires ont testé une autre question, à savoir si les formations d'opposition ont abandonné les attaques personnelles contre les ministres ou le gouvernement, en faveur d'interventions plutôt axées sur les politiques publiques. 

Ils ont remarqué qu'au Parlement, il n'y a pas eu de différence significative entre avant et pendant la pandémie. Mais dans les médias, durant la première vague, en effet, les porte-parole ont mis la pédale douce: leurs flèches visaient moins les ministres. 

Enfin, une des hypothèses des chercheurs ne s'est pas avérée. Ils ont vérifié si la pandémie avait eu un effet différent dans les stratégies des partis, selon qu'ils interviennent dans les médias ou plutôt au Parlement, mais les données n'ont pas permis d'en arriver à cette conclusion. 

Pas moins de 657 interventions parlementaires, soit des déclarations ou des questions, ainsi que 728 interventions dans les médias ont été analysées, entre janvier 2019 et décembre 2020. Cela permettait ainsi de comparer avec un échantillon prépandémie, de janvier 2019 à mars 2020.

Des 657 interventions effectuées, 163 (24,8 %) ont été faites après la déclaration de l'état d'urgence.

De même, sur les 728 interventions dans les médias, 303 (41,6 %) ont été effectuées après l'annonce de l'état d'urgence. 

Les interventions retenues étaient celles des porte-parole en matière d'Éducation, de Santé et de Sécurité publiques, qui ont été les plus sollicités durant la pandémie.

Outre Mme Milot-Poulin, l'étude a été réalisée par Lydia Laflamme, Jeanne Desrosiers, Cédrik Verreault, Carolane Fillion, Nicolas Patenaude, ainsi que le professeur Marc-André Bodet. 

Patrice Bergeron, La Presse Canadienne

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