«Le privé complète le public»
Sonia LeBel n'a pas l'intention de changer le système à trois vitesses

Par La Presse Canadienne
La nouvelle ministre de l'Éducation, Sonia LeBel, s'inscrit dans la droite ligne de son prédécesseur Bernard Drainville, affirmant n'avoir aucune intention de changer le système d'«école à trois vitesses».
Par cette expression, on entend un système qui reproduit les inégalités, avec l'école privée, l'école publique à projet particulier, qui trie aussi les élèves, et l'école publique régulière, la mal-aimée.
Mme LeBel a fait connaître sa position à La Presse Canadienne mardi par le biais d'une déclaration venant de son cabinet. Elle a refusé la demande d'entrevue de l'agence de presse.
«Le privé complète le public. Il ne le remplace pas, mais il en fait partie et partage le même objectif: la réussite des élèves», a déclaré la ministre.
«Il revient aux familles de choisir ce qui leur convient le mieux. On ne doit pas opposer les deux. On doit tous travailler ensemble dans le même but. C'est ce qu'on fait», a-t-elle tranché.
Depuis plusieurs années, des experts dénoncent l'école québécoise «à trois vitesses», où les élèves les plus doués et aisés semblent fuir vers les écoles privées.
Conséquemment, les élèves à besoins particuliers se retrouvent surreprésentés dans les écoles publiques, ce qui cause une surcharge de travail pour les enseignants, déplorent-ils.
Le Conseil supérieur de l'éducation avait même déclaré dans un rapport en 2016 que l'école québécoise était la plus inégalitaire au Canada.
En 2020, le sociologue et ancien membre de la commission Parent, feu Guy Rocher, avait qualifié le système à trois vitesses dans une entrevue à «La Presse» de «gâchis humain».
«(C'est) inacceptable. On est très loin de l'objectif d'égalité sociale qu'on s'était fixé», a-t-il déploré.
Par ailleurs, une étude de l'Université de Toronto concluait en 2022 que c'est au Québec que l'on observe la plus forte ségrégation entre les élèves de statut socioéconomique élevé et la population scolaire générale.
Cette étude, intitulée «Won't You Be My Neighbour? Socio-Economic Segregation Between Schools in Canada», a été reprise en juillet 2025 dans une recherche australienne qui vantait le modèle ontarien.
Contrairement au Québec, l'Ontario ne subventionne pas ses écoles privées, qui sont donc hors de prix pour les classes moyennes, et ne fait pas de sélection au public.
L'enjeu revient régulièrement dans les débats à l'Assemblée nationale. En 2023, le Parti québécois proposait de conventionner les écoles privées, pourvu qu'elles cessent de sélectionner leurs élèves.
Celles qui refuseraient les nouvelles règles de mixité verraient leur financement graduellement aboli.
Un gouvernement péquiste ferait aussi en sorte que toutes les écoles financées par l'État offrent un choix de projets particuliers gratuits. Les élèves ne seraient plus exclus en fonction de critères de sélection.
Rappelons que Québec solidaire a également présenté, en février dernier, le projet de loi 895, conçu en partenariat avec le mouvement L'École ensemble.
Ce projet de loi reprend l'idée de regrouper au sein d'un réseau commun les écoles publiques et privées qui accepteraient d'arrêter la sélection basée notamment sur les notes.
De son côté, la Fédération des établissements d'enseignement privés plaide pour le statu quo.
Elle a récemment fait valoir en entrevue avec La Presse Canadienne que les écoles privées acceptent désormais 20 % d'élèves en difficulté, alors qu'elles en acceptaient seulement 5 % il y a quelques années.
Caroline Plante, La Presse Canadienne