Adoptée sous bâillon
Loi spéciale: outrés, des médecins manifestent devant l'Assemblée nationale
Par La Presse Canadienne
Une quinzaine de médecins se sont présentés à l'Assemblée nationale mardi matin avec du ruban adhésif sur la bouche pour protester contre la loi 2.
Ils ont dénoncé cette loi spéciale adoptée sous bâillon dans la nuit de vendredi à samedi qui leur impose un nouveau mode de rémunération basé en partie sur l'atteinte d'objectifs de performance.
Surtout, ils disent en avoir contre les sanctions qui sont prévues dans la loi au cas où les médecins ralentiraient leurs activités professionnelles.
Des médecins qui seraient tentés de quitter le réseau ou réduire leurs activités en guise de protestation, par exemple, feraient face notamment à des amendes salées et des mesures disciplinaires.
Le seul fait d'inciter des médecins à commettre un manquement est désormais sanctionnable en vertu de la loi, a déploré le néphrologue Jean-François Cailhier, venu spécialement de Montréal pour manifester.
«La loi 2 amène le concept de bâillon à un autre niveau, a-t-il dit. C'est la première fois que plein de libertés individuelles sont bafouées de la sorte. (...) C'est le sceau qui fait déborder le vase.»
Selon le Dr Cailhier, l'ambiance au sein du corps médical est «morose». «Beaucoup n'ont même plus envie de travailler et, malgré ça, se lèvent et prennent soin des patients, parce qu'on est là pour ça», a-t-il relaté.
Il déplore par ailleurs que le Parti québécois se soit engagé, lundi, à maintenir la loi avec quelques modifications. «Il n'y a aucun parti démocratique qui peut supporter cette loi», selon lui.
De son côté, le Dr Rémi Gagnon, un allergologue-immunologue de Québec, soutient n'avoir jamais vu autant de médecins pleurer.
«C'est la détresse actuellement. (...) Ça nous affecte à tous les niveaux. Ça nous affecte dans notre capacité à traiter les patients, ça nous affecte moralement. (...) On se fait toujours taper dessus. On se fait toujours écraser», a-t-il déploré.
Pourtant, les médecins sont parmi les professionnels qui travaillent le plus fort, a plaidé la Dre Anne Desjardins, une microbiologiste-infectiologue à l'Hôtel-Dieu de Québec.
«Tout le monde travaille déjà à pleine capacité. On fouette un cheval à terre, c'est ça qu'on fait. (...) Tout ça est fait pour gagner du capital politique, ce qui est indécent», a-t-elle déclaré.
Les sanctions prévues dans la loi la «jettent par terre». «Mon mari en fin de semaine me disait: "Attention à ce que tu écris sur Facebook". J'étais comme: "Quoi? Où on est pour être rendus à avoir peur de ce qu'on écrit sur les réseaux sociaux?"»
«Ce que j'ai dit à mon mari, c'est: "Qu'ils viennent me chercher. Qu'ils viennent me mettre en prison parce que j'ai une opinion sur quelque chose qui concerne ma profession."»
La Dre Desjardins, qui est également directrice d'un programme de résidence, dit s'inquiéter pour la relève, qui risque fort d'être «démotivée», selon elle.
Le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), le Dr Vincent Oliva, doit tenir un point de presse à Québec plus tard mardi avant-midi.
Caroline Plante, La Presse Canadienne
