Aires marines protégées : appel à l'action immédiate
Par Salle des nouvelles
En 2000, le Québec publiait une première stratégie pour établir un réseau d’aires protégées (AP) représentatif de la biodiversité naturelle. Ce réseau devait couvrir une superficie de 8 % du territoire, Saint-Laurent inclus. Des années plus tard, le gouvernement relevait ses objectifs à la hauteur des recommandations internationales (objectif no 11 d’Aichi), à savoir de protéger 10 % en milieu marin (estuaire et golfe du Saint-Laurent) d’ici 2020. Ce dernier objectif, par ailleurs confirmé avec la Stratégie maritime du Québec, doit inévitablement se réaliser de concert avec le palier fédéral.
Des superficies nettement insuffisantes
Pourtant, à la fin 2018, l’espace marin n’est protégé qu’à 3,65 % et de ce pourcentage, à peine 1,9 % est véritablement préservé de façon efficace et durable par une « aire marine protégée » (AMP), une zone d’intérêt écologique clairement délimitée, suffisamment grande, légalement désignée pour maintenir à long terme la biodiversité et où toute activité industrielle lourde est proscrite, comme le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent (PMSSL) et la réserve aquatique projetée de Manicouagan.
Ces deux AMP, qui ne couvrent que 1,3 % de la superficie marine, démontrent à quel point le Québec chemine à pas de tortue : il n’y a eu qu’une faible progression de moins de 1 % sur 20 ans. Il y a péril en la demeure : le Québec est encore très loin de l’objectif convenu pour 2020 et il reste très peu de temps pour y parvenir.
Il y a bien quelques autres projets à l’étude, dont celui de l’agrandissement de la portion marine du parc du Bic, mais le projet d’ampleur réclamé depuis deux décennies est celui d’une AMP de 6000 km2, appelée « site d’intérêt (SI) Estuaire du Saint-Laurent », s’étendant d’une rive à l’autre depuis l’amont jusqu’à l’aval de l’estuaire moyen et maritime. Tel un agrandissement significatif du parc marin, cette zone correspondrait à l’aire de répartition saisonnière du béluga du Saint-Laurent et elle comprendrait des éléments de son habitat essentiel. Fait à noter : ce territoire avait déjà été proposé comme potentielle zone de protection marine (ZPM) de l’estuaire du Saint-Laurent en 2004.
Un accroissement du transport maritime à redouter
Or, ce secteur est très convoité par des promoteurs industriels souvent liés au transport d’hydrocarbures : projets de ports pétroliers et méthaniers comme celui de Cacouna, ainsi que diverses infrastructures dans la rivière Saguenay. On ne peut également passer sous silence les projets Énergie Saguenay et Gazoduq qui conduiraient à exporter 11 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié sur des navires citernes circulant en plein cœur du parc marin et de sites de fréquentation intensive du béluga.
Les impacts qui pourraient affecter les cétacés sont l’augmentation du bruit et des collisions, lesquels représentent des risques sérieux pour une espèce menacée qui connaît déjà de grandes difficultés et dont la population ne cesse de diminuer.
L’établissement d’une AMP dans l’estuaire est réclamé d’urgence pour préserver l’équilibre délicat de ces populations et cela doit être réalisé impérativement d’ici l’échéance de 2020 en complément d’un réseau d’AP efficace et représentatif du Saint-Laurent. À défaut d’agir, le Québec ratera sa cible de très loin et plusieurs espèces aquatiques, particulièrement la « baleine blanche » québécoise –un symbole reconnu à travers le monde et un attrait indéniable – frôleront le point de non-retour.
Beaucoup à perdre
Le fleuve est un joyau du territoire québécois et sa dégradation, tout comme celle des espèces qu’il abrite, pèserait lourd sur la vitalité touristique, économique et scientifique de la province entière, sans parler de la fierté des communautés riveraines qui n’auraient pas su sauvegarder adéquatement un milieu si riche et exceptionnel.
Il est minuit moins une pour mettre en place un réseau d’AMP et atteindre les objectifs de protection du milieu marin. L’année 2019 doit être marquée par une intensification de la mobilisation et des actions pour exiger le respect des engagements du Québec en matière de conservation. Un premier pas pourrait être de participer à la campagne Protégeons le Saint-Laurent de la Société pour la nature et les parcs.
Le Conseil régional en appelle donc à la concertation des décideurs pour se rapprocher de cibles qu’on a manifestement perdu de vue. Il entend porter ce message haut et fort par l’entremise de démarches auprès des deux paliers gouvernementaux et interpeller les représentants des différents partis fédéraux à la veille des élections générales de 2019.
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