Institut de recherche et d’informations socioéconomiques
La hausse du salaire minimum est insuffisante pour vivre «dignement», selon l’IRIS
Par La Presse Canadienne
La hausse du salaire minimum, en vigueur depuis lundi, n’est pas suffisante pour compenser la flambée des prix que doivent subir les travailleurs au bas de l’échelle, selon un rapport publié par l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS).
Les ménages les moins nantis ont été plus durement frappés par l’inflation, explique la chercheuse Eve-Lyne Couturier, en entrevue. Les biens essentiels comme l’alimentation, le logement et le transport accaparent une plus grande part de leurs dépenses. «Ces trois catégories connaissent une augmentation plus importante que la hausse moyenne de l’inflation.»
En passant de 14,25 $ à 15,25 $ de l’heure, le salaire minimum a augmenté de 7 %. Il s’agit d’une hausse comparable à l’inflation qui avoisine les 6,7 % au Québec. Or, l’inflation a été plus élevée pour le panier de consommation des moins nantis, souligne l’organisme de réflexion de gauche.
Le revenu viable pour 2023, un indicateur développé par l’IRIS en 2015, pour un ménage comprenant deux parents et deux enfants en bas âge, aurait augmenté de 8 % à 12 %, selon la région où habite cette famille.
«Non seulement le salaire minimum ne permet pas de sortir de la pauvreté ou d'atteindre ses besoins, la hausse, qu'on nous présente comme une hausse importante, appauvrit quand même les travailleurs et travailleuses qui sont au salaire minimum», déplore Mme Couturier.
Le revenu viable comprend les besoins essentiels, mais aussi les dépenses nécessaires pour «vivre dignement», comprenant par exemple des vacances, des sorties culturelles et des économies pour répondre aux imprévus.
Le revenu viable varie d’une région à l’autre, au même titre que le coût de la vie. En 2023, une personne seule aurait besoin d’entre 27 047 $ et 37 822 $ pour vivre dignement au Québec, selon le rapport de l’IRIS.
Par exemple, le revenu viable pour une personne seule est plus élevé à Sept-Îles (37 822 $) qu’à Québec (31 104 $) en raison de l’absence de transport en commun. Le rapport souligne qu’une famille à la recherche d’un appartement quatre et demi à Gatineau devrait débourser 23 % de plus pour se loger en 2023.
S’inspirer de l’aide pandémique
Mme Couturier croit que l’aide temporaire accordée durant la pandémie offre des pistes de solutions pour réduire le nombre de personnes qui vivent sous le seuil de revenu viable. Ces aides avaient permis de réduire de «manière assez intéressante la pauvreté au Québec».
En 2019, 8,9 % de la population québécoise n’avait pas un revenu suffisant pour couvrir les besoins de base, selon la Mesure du panier de consommation (MPC). Ce taux avait reculé de presque la moitié à 4,8 % en 2020.
Outre l’aide pandémique du fédéral, le gouvernement Legault a aussi déployé des aides ponctuelles (les chèques) pour combattre l’inflation en 2022.
La chercheuse estime que Québec aurait dû trouver une façon d’apporter une aide de manière permanente plutôt que de baisser les impôts en réduisant d’un point de pourcentage le taux d’imposition des deux premiers paliers.
«Les personnes qui travaillent au salaire minimum à temps plein vont avoir une réduction de leurs revenus disponibles à la fin de l'année d'environ 400 $ et les personnes qui ont un revenu de 200 000 $ et plus vont avoir une augmentation de leurs revenus de 2000 $ dans leur poche.
«On améliore les revenus des personnes qui ont déjà beaucoup d'argent et on pénalise les personnes qui ont moins accès à des revenus, qui ont des revenus plus faibles», poursuit-elle.
Les investissements publics dans le logement abordable et le transport en commun sont aussi une façon de faciliter l’atteinte d’un revenu viable puisqu’ils représentent une part importante des dépenses des ménages les moins nantis, ajoute Mme Couturier.
Stéphane Rolland, La Presse Canadienne
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